Jordi Pere Cerdà

ils sont nés durant l'hiver en Cerdagne ces poèmes d'oiseaux, j'en aime bien certains même si je trouve qu'il gâte un peu les fins, mais bon qui suis-je pour...

et bien sûr en catalan, cela chante mieux

 

ORIOL (*)

 

Touffe de lumière

qui danse sur la branche

d'un rayon de soleil.

Si tu te trompais d'arbre

et venais chez nous

chanter tes airs d'ailleurs,

certains diraient : j'ai vu,

j'ai vu des plumes blanches

siffler comme des merles.

Le merle blanc des neiges du Carlit.

 

Volva de llum

voleiant dins la branca

d'un raig de sol mogut.

Si fossi tu, d'esgarriat cami

qui vingués a xiular

en la nostra contrada,

hi hauria algú per dir

que ha vist la merla blanca,

la merla blanca del Carlit.

(*) loriot (...étrange ce verlan catalan)

Ocells / Jordi Pere cerdà. Editions Jacques Brémond, 2009 (Dessins de Philippe Blanc Chauvet)

passage de Bardo

cendres et pétales

plage du Racou

& ces voiliers concentrés

qui se tendent à la proue

s'ouvrent  et se referment

comme une pulsation

& la musique qui sort de l'eau

le summertime de Janis

comme un chant de sirènes

avec des guitares drues

encore un ancien des seventies

qui passe son Bardo

fume !

                      de la plaine le village ressemble à une réunion de fumeurs de pipes,

cela fume et tout sent le bois mais de quoi parlent-ils ?

de l'hiver peut-être qui nous tourne autour sans vraiment se poser

des mimosas des amandiers qui n'attendent qu'un signe

de la taille qui n'avance pas

de la terre qu'il faut retourner

de Jo qui est partie en Janvier cela fera bientôt un an

cigarettes & whisky

cigarettes & whisky,

et peut-être aussi de la femme du boucher

 

                                         

prière pour une frontière quantique

je me souviens, on l'appelait l'africain, il avait gardé sa Land quelques années après sa dernière traversée. Ils sont passés à la maison l'autre jour nous rappeler opportunément qu'au siècle dernier

les routes du Sahara étaient ouvertes.

il y a encore trente ans, on pouvait avec sa voiture aller de Paris à Ouagadougou et la revendre de l'autre côté du Niger pour une grosse poignée de francs CFA

nous c'était plutôt la route de l'Orient, praticable jusqu'en 1979, Istambul, Téheran, Peshawar, Islamabad, Delhi... sur les traces de Nicolas Bouvet et de Thierry Vernet (*)

paradoxe de la modernité, avec toutes ces routes coupées l'Europe paraît bien isolée, on devrait dessiner une autre carte avec les glaces au Nord, l'océan à l'Ouest et des terrains minés au Sud et à l'Est

mais je m'égare

les frontières délimitent un territoire, la porte peut-être ouverte ou fermée, les gardiens qui nous gèrent ne sont pas des physiciens quantiques

mais c'était pourquoi cette étoile ?

la station idéale

à contempler chaque fois ces couchers de soleil lancinants dans le rouge aujourd'hui rose orange flammes mauves en veux-tu du vert en voilà juste sur le bord des nuages, il nous faut davantage de nuages ! puis tout au fond on dirait des fumées échappées d'un four dévorant

on se décale

moins engagé moins vivant

on flotte

on devient un peu patiné poli comme ces galets de rivière où rien n'accroche

car cela glisse de plus en plus ânonne beaucoup on ne voit que peu ces petites mains bâtisseuses l'ouvrage se détricote à mesure

trop de bruit trop

on recherche la station idéale, la voix des poètes le souffle mais l'émission est parasitée elle vient de très loin certainement des étoiles

­­© lacalavera