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" Petits départs et autres véhicules " - Page 67

  • les sauvages

     

     

    j’étais dans la châtaigneraie au-dessus de la maison à descendre le bois coupé ces dernières semaines

    nous ne sommes pas très nombreux à faire ce boulot là je ne sentais pas le froid

    nettoyer le sous-bois soigner les arbres effacer les blessures de la tempête de Janvier éclaircir élaguer couper ces bruyères et ces genets qui savent si bien se transformer en torche le moment venu retarder ce moment

    les châtaigniers sont malades les vieux ceux qui n’ont pas été coupés depuis la dernière guerre cette forêt est vierge depuis cinquante ans c’est à cette époque que nombre de mas ont été abandonnés leurs habitants cédant à l’appel de l’électricité et de l’eau chaude

    le bois de châtaignier servait alors à la construction parquets charpentes linteaux mais aussi piquets de clôture tonneaux les arbres n’avaient pas le temps de devenir vieux

    et les sécheresses à répétition de ces dix dernières années l’ont fragilisé plus de force pour se battre contre les insectes les maladies chancre encre alors il faut couper cela donne de la vigueur aux rejets qui repartent du pied et s’occuper d’eux

    supprimer les chétifs les tordus ce monde est sans pitié mais si ce travail n’est pas fait la souche se dessèche puis meurt à son tour et plus rien ne repousse

    la vue d’un châtaignier mort me désole son tronc nu et presque blanc ses branches réduites à des perches acérées comme des griffes

    alors je m’occupe d’eux j’aime ça et puis le travail dans les bois est une psychanalyse

    je pensais au tallats i sembrats la coutume ancestrale qui autorisait les villageois à défricher et à semer

    à la tradition de la barra qui consistait à ramasser le bois mort pour se chauffer et que par ici seul le météorologue continue de pratiquer il faut le voir à plus de soixante ans passés remonter chaque soir la côte vers les remparts avec un tronc de châtaignier porté sur l’épaule

    pourquoi avons-nous quitté les bois comme des marins tourneraient le dos à la mer

    et je jetais mes bûches dans la pente lorsqu’un groupe de randonneurs est passé à quelques mètres au-dessus par le chemin ni bonjour ni merde de quel côté était le sauvage

     

  • mobilisation générale

     

     

    la poésie comme

    une mobilisation générale

    une urgence

    parvenir à l'acuité

    endosser la joie du voyant

    -pas l'écriture, c'est une autre histoire-

    la poésie, c'est quand c'est terminé

    que les mots font comme une forme

    on peut la tenir entre les doigts

     

  • l'artiste

     

    grondements roulements

    craquements déchirures

    mais aussi fracas explosions

    zébrures flashs infra-basses

    chapeau bas devant l'artiste

    le show fut très réussi

    mais pourquoi si peu de pluie ?

  • l'envahisseur

    chaque pas

    s'accompagne de mouvements

    de fuites dans les herbes

    lézards insectes geikos mulots

    glissements sur les marges

    frôlements feuilles froissées

    la fuite le couvert l'immobilité

    la peur fait son chemin dans les herbes

    et ça me désole

    je voudrais être un invité

    pas un envahisseur à grosses semelles

  • un refuge

    quelque chose me travaille, cela sort un peu du cadre habituel de ce blog mais ce n’est pas sans rapport avec l’Albera

    cette histoire de bateau de réfugiés africains récupéré fin Août dans la Méditerranée

    après avoir dérivé durant vingt jours en plein été dans une mer fréquentée et surveillée alors que le moindre animal marin en danger d'extinction est géolocalisé par GPS ou par balise Argos

    on vient d'apprendre que des dizaines d'enfants morts de soif et de faim ont été jetés à la mer

     

    (j'ai écrit, à ce sujet, un texte que vous pouvez lire sur

    http://lacalavera.hautefort.com

    autre blog, autre gymnastique…)

     

    on sait qu'il est terriblement difficile de quitter son pays, ses proches, sa famille sans savoir quand on reviendra, si on reviendra

    mais revenons aux Albères

    après la défaite de l'armée républicaine en 1939, cette région des Pyrénées jouxtant la Catalogne, berceau de la révolution espagnole, a vu passer en quelques mois près de 500 000 réfugiés espagnols par les cols du Perthus, d'Ares ou par des chemins ancestraux comme Joan, un de nos meilleurs jardiniers, maintenant âgé de 87 ans, recueilli orphelin par une famille du village

    près de 275 000 d'entre eux furent parqués sur les plages du Roussillon dans des conditions précaires au prix de nombreuses victimes

    voir www.ffreee.typad.fr

    lire Des camps sur la plage, un exil espagnol / Emile Temine, Geneviève Dreyfus-Armand (Autrement)

     

    les villages du piémont des Albères comptent maintenant de nombreux descendants de ces réfugiés, le franquisme ne s'est éteint qu'en 1975 et la plupart ont reconstruit leur vie parmi nous

    quelle différence avec un bateau africain ?

    ce que nous apprend le voyage, infiniment  mieux que son succédané le tourisme, c'est l'universalité de l'espèce humaine quel que soit son substrat culturel

    qui sait si demain, nous, habitants du Nord de cette petite planète ne serons pas obligés à notre tour de partir, pour des raisons politiques, économiques ou climatiques ?…