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Blog - Page 55

  • un air de Mc Carthy

    DSCN1986.JPGcomme dans un roman de Cormack Mc Carthy

    ma préférence va à la "trilogie des confins", l'auteur est obsédé par la perte du paysage et du pays

    mutation économique mutation de l'espèce humaine,

    perte des savoirs et des gestes associés perte du sens donné à la vie

    ses personnages sont durs comme les terres âpres du Nouveau-Mexique où se situe l'action, durs et immobiles face à leur univers qui part en lambeaux

    mais paradoxalement épais d'une humanité réelle en comparaison aux ectoplasmes qui s'annoncent et à la vacuité

    la précision des gestes des détails et leur enchaînement qui fait sens

    alors je me demande que laisserons-nous à notre tour

    nous qui ne faisons que ranimer les braises

     

     

  • le temps du tilleul

    DSCN1996.JPGeh bien justement j'avais prévu de visiter ce tilleul en bordure de correc juste sous le Mas Bordes, d'habitude j'y passais plutôt début Juin, mais là avec ces grosses chaleurs...et l'arbre était à point, couvert de petites fleurs blanches, on le sent avant de le voir

    elle m'a dit c'est la saison du tilleul mais plus personne ne va le cueillir maintenant, avant on connaissait le bon moment pour y aller, on surveillait celui qui était à l'entrée du village après le pont vous savez la maison isolée et quand il était en fleurs on savait qu'il nous restait une bonne semaine avant de monter

    et l'orage grondait déjà dans le Vallespir, le ciel était noir à l'Ouest comme en été, c'est délicat le tilleul, un peu avant et cela ne donne rien qu'un jus amer, un peu après et c'est déjà trop tard

    il dit mes jambes elles valent plus rien mais avant je connaissais tous les rochers et jusqu'en haut. Il a 80 ans et ses longues jambes plient et peinent à porter son grand corps mais tout est encore vif en lui il pétille. Je mesure comme cela doit être difficile d'avoir la montagne à côté plus que pour les yeux et le souvenir des grandes enjambées.

    nos petits sacs se remplissent les fleurs sont douces au toucher le ciel craque c'est encore loin

    et bien sûr nous parlons des oiseaux des pinsons qu'on ne voit plus des chardonnerets nombreux cette année des perruches qui remontent du sud, j'étais passé les voir avant la sieste, ils habitent tous les deux la mer pavillonnaire, la mort lente, rien ne bouge sous le soleil et toutes ces fleurs riches des catalogues...

     

    il y a des colonies de petites mouches rousses avec de longues ailes et un curieux appendice, presque une queue et des centaines d'abeilles, l'air bourdonne le coton colle à la peau et déjà les premières gouttes, vite avant que la pluie ne déchire nos sacs en papier

     

  • le cannabis et la mouche

    Deux cèdres -forcement majestueux- montent la garde dans une symétrie parfaite de chaque côté du bâtiment de l'administration. Hôpital suburbain, c'est écrit au fronton. Pour certains, l'hôpital est la ville mais je préfère renverser la proposition.

    J'ajuste mon scaphandre et je sors. Place Baylac, la patronne des roms houspille ses troupes armées de brosses et de seaux. Je descends l'avenue de Grande-Bretagne avec ses friches industrielles, les arsenaux et les usines d'armement laissent la place à d'autres usines de divertissement, prochainement ici un éco-quartier mais où sont les oiseaux ? Place d'Alsace-Lorraine je me mêle un instant à la marche mondiale du cannabis et je me demande ce que donnerait un défilé d'opiomanes, du reste pourquoi réclamer ce qui ne demande qu'à pousser...

    tout va bien cette ville n'était qu'une parenthèse et nous sommes de retour. Levé tôt, je suis assis avec Joan sous le grand platane de la place. Il avait 9 ans lorsqu'il est arrivé au village par le col de l'Ouillat, un jour de février 1939 puis j'achète quelques cerises à la mémé puisque les miennes héhé

    elle en veut à l'Europe, à ses règlements idiots, cette année la coopérative a refusé toutes les cerises non calibrées, calibre 24 ! elle a cent arbres

    et puis je remonte avec Gaston qui passait par là avec sa sulfateuse. Gaston, c'est le grand jardinier, il me raconte que cette année la burlat était piquée, la faute à une mouche, une mouche chinoise ! notre monde est devenu tout petit

  • Einstein sur le rivage

    DSCN1976.JPGje n'en avais pas fini avec le Ravaner, il devait y avoir une suite, un Ravaner 2 avec cascades et effets spéciaux tandis que résonnaient les cloches pascales

    tournant le dos aux Albères et filant vers la mer pour la dernière partie de son cours, le tranquille petit fleuve côtier emprunte un méchant tunnel de tôle ondulée sous la quatre-voies

    un trou de vers, que dis-je, un pont d'Einstein-Rozen

    les années passent et je suis toujours aussi fasciné par la théorie de la relativité, ma piètre formation scientifique fait qu'elle constitue surtout pour moi une machine à rêve

    or, ce jour-là les trous de vers me chagrinaient, comment et pourquoi la nature d'ordinaire si indifférente à nos petites affaires créerait-elles des singularités spacio-temporelles, des sortes de raccourcis qui ne lui servaient à rien...j'y voyais surtout une vicieuse intentionnalité, une résurgence de ce fameux principe anthropique derrière lequel se cachait le bienveillant Grand Horloger et tout se serait terminé en eau de boudin et la note avec si...

    l'autre jour au passage d'un gué mon attention fut illico aspirée vers un bruit incongru

    là, à fleur de gué un vortex me renvoyait à la figure sa déglutition d'évier, cette trombe sous-marine accompagnée de son souffle de vidange se prolongeait sous le gué guère plus grosse qu'un petit doigt.

    Elle ne durait que quelques secondes et semblait apparaître spontanément à la confluence de paramètres aussi divers que la vitesse du courant, la hauteur de l'eau, les différence de niveau entre l'entrée et la sortie du gué

    un instant je me suis senti comme Newton sans la pomme, je tenais mon trou de vers in-vivo

    et finalement, rappelez à vous ce beau roman de Murakami "Kafka sur le rivage" et cet épisode sur la pluie de poisson en centre-ville

    ils avaient, à leur manière, emprunté un autre de ces trous de vers que nous avons sous les yeux

    nomdedieudenomdedieu

  • Down by the river

    FSCN1933.JPG

     

     

    et me voici par un autre chemin rien de moins que la via Heraclia, la voie romaine qui franchissait l’Albère par le col de Baillaury puis celui de Banyuls ... trois points de passage pour un si petit massif, cela donne une idée de la géopolitique d'il y a 2000 ans

     

    maintenant la voie pavée de jadis ne sert plus à grand-chose la végétation a mangé les ruines, celles de l’abbaye cistercienne de Valbonne celles du hameau de Torreneulos, une ancienne base des Templiers

    ne restent aujourd’hui que quelques viticulteurs venus aujourd’hui pour attacher la vigne et quelques llanuts réfugiés  de tous les Guéant de tous les Sarkosy de tous les Hortefeux de tous les Besson, un miracle...

     

    on dit de la vallée du Ravaner qu'elle est une frontière et cela saute aux yeux

    granites au Nord-Ouest et pentes raides et terrasses ensauvagées où semblent flotter les troncs des chênes-lièges et plus haut encore la ligne de crête qui monte jusqu'au pic des quatre termes auréolé de nuages noirs

    schistes au Sud-Est, on dit qu'il ne gèle jamais au sud du Ravaner, le ciel est bleu liquide et la mer au côté et les terrasses tirées au cordeau de l'appellation Collioure grimpent jusqu'aux sommets des collines alignant leurs ceps comme autant de bouteilles promises sur des étagères...

    rap des grenouilles solo d'un rossignol c'est l'époque des cistes mauves des cistes blanches des campanules et des marguerites et cela continue tout au long du chemin, j'avril et je le sais bien qu'on se tue qu'on s'étripe et les mouches bleues prolifèrent en Mediterranée...

    un vieil hippie dans sa berlune (*) me salue en joignant deux doigts de sa main, je passe devant leur campement étonnant fait de casots troglodytes, les sages ayant repoussé quelques chapitres de LOOPSI 2, ils ont encore de beaux jours devant eux...

    et c'est tant mieux

    et je me surprend à siffloter quelques mesures de Down by the river de ce bon docteur Neil

    - hey man, un vieil hippie ça fait pléonasme, dit le chien

    - détrompe-toi sac à puces, c'est un oxymore, ce n'est pas le hippie qui vieillit, c'est le monde qui se ride !

     

     

     (*) Note du traducteur : berline ayant plus d'un aller-retour Terre-Lune au compteur