chamanie manie

 

dans notre village les chamanes poussent comme champignons à la bonne lune

masseurs ayurvédiques

naturopathes eriksoniens

danseurs quantiques

magnétiseurs grandes tailles, manipulateurs de flux et d'énergies

...en serions-nous tant dépourvus ? ou sommes-nous devenus si perméables à la souffrance qu'il faille en extirper les prémisses ?

et tous ces gens sont intelligents

et tout cela m'ennuie prodigieusement je n'aime pas ces discours sur la force l'énergie la puissance le souffle, ils préparent le terrain pour autre chose

j'ai des illuminations snobs

je me suis dégotté un champ de cerisiers de ma connaissance à flanc de colline du côté de Montesquieu des Albères

l'herbe humide de la dernière pluie j'en avais jusqu'aux genoux

et des bouquets de fleurs blanches

et des bourgeons gonflés prêts à éclater

... où est la force ?

Passagers clandestins

 

Si j'ai pu me gausser de çi de là de l'indépendantisme catalan

force m'est aujourd'hui de réviser mon impression première

tant cette Catalogne à naître pourrait bien devenir notre issue de secours

 

j'ai beau vivre à l'orée des forêts je n'en entends pas moins

d'étranges murmures portés par les fils qui parlent

des chuchotis d'hommes en colère mais une colère désorientée une contre-colère

une colère étroite

 

alors je rappelle à tous, aux rêveurs aux minoritaires aux boiteux

à tous ceux qui ne savent pas marcher droit ni rentrer dans le cadre 

que

 

les Albères sont idéalement bien situées à cheval sur la frontière

et bien dotées par l'Histoire en passagers clandestins

que la Catalogne est  primo-vaccinée contre la peste colorée

même si...

même si...

 

 

 

 

aux carnets d'Eole

Ne poussez pas j'étais là le premier ! soufflez j'ai tout mon temps !

et c'est ainsi depuis début Février on se croirait dans les îles celles du bord de l'Atlantique que visita naguère Nicolas Bouvier îles d'Aran où les tempêtes et les coups de vents arrivent par paquets. Ici les tuiles sont maçonnées c'est bien pour quelque chose, portes et volets qui claquent bâches gonflées comme des voiles crinières ébouriffées

du vent nous en avons plein les tonneaux, celui descendu d'Irlande prend des accents gaéliques quand celui remonté d'Espagne siffle catalan en arrivant des Baléares et nous avons ces derniers temps entendu quelques notes des Balkans, le grec déferlait sur nos plages pendant que la tramontane cette folle rechargeait ses batteries

quart de vent demi vent tout y passe et repasse avant que la table soit desservie

et puis aujourd'hui le vent est tombé

ne reste que le fracas en creux du silence

un champ de bataille où poussent des chants d'oiseaux

lever le nez

j'ai l'impression d'être le seul à les voir

on me rit au nez

cela paraît tellement improbable

avec cette correction que le vent nous inflige

on ne lève plus la tête

nous vivons courbés

vers la terre qui nous tire

sans doute se sont-elles trompées de sortie

mais elles sont arrivées mercredi

Gregal tardif

 

 

mais qui donc frappe si fort à la porte ?

c'est la mer

tu n'avais qu'à te cacher

elle viendra te prendre toi et tes frères

elle n'est pas pressée

avec ses présents qui ne vivent que noyés

elle te tressera une couronne

de nacre et de sel

de nacre et de sel ouais !