il a l'impression d'être dans un paysage d'occasion, c'est abimé, il y a des maisons, une ligne haute tension qui saute le col et le maquis impénétrable qui suit l'incendie. Le sentier de terre rouge tracé à la défonceuse serpente entre les ronciers de mûres les cistes et les genêts, les arbustes épineux dissuadent même le chien de s'y aventurer. Seuls quelques bouquets de chênes montent la garde autour des rochers. Il cherche un panorama qui embrasserait la mer les montagnes les vignes mais quelque chose ne va pas, quelque chose en lui qui refuse de s'élever, de recevoir. Alors il redescend, un peu contrarié un peu furieux d'avoir été volé et cette descente forcée le reboute, déjà cette boue se dissipe, il observe à nouveau il écoute. Dans les pâtures autour du mas Pacou il croise l'éleveur de chèvres mohairs qui pousse son troupeau dans les travers en hurlant. Le sarde porte une scie à l'épaule. Ses cheveux sont longs comme ceux des bêtes
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fausse route
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les locataires
je rentrais au village avec mon bouquet d'asperges, récolte maigrelette, ces petites têtes aiment bien pousser après la pluie, ramassées de-çi de-là, avec une nette préférence pour les terrains défrichés récemment, ceci pour la petite histoire...
on couve ces pointes vigoureuses qui sortent de terre, on pince la tige et l'odeur forte se dégage les doigts en sont imprégnés...
et là je vois ces deux bêtes noires qui traversent le chemin devant moi, en volant serait plus juste, le grand Pan et sa dame
Vénus et Jupiter, ainsi que je les avais un peu cavalièrement baptisés dans ma précédente note
deux chèvres sauvages, deux boucs, je ne suis pas un expert et je laisse aux exégètes caprins le soin d'identifier l'espèce
en deux bonds elles avaient trouvé refuge derrière le muret d'une villa abandonnée
comme de nouveaux locataires
je leur aurais bien volontiers laissé les clés...
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le club des marcheurs aléatoires
vers une escapade au roc du Midi que j'ai failli ne jamais atteindre embarqué que j'étais bien trop loin sur la piste et tiré par les yeux
découvrir à chaque tournant un nouveau paysage des pelouses de mousse où s'allonger au soleil
ce sont des chemins de chèvres ou de vaches parfois un rond de peinture survivance des anciens balisage les chemins
il faut les lire ils s'évanouissent parfois sous les pas et on reste aveuglé ne sachant où aller mais sur ces chemins inconsistants m'enfonçant le plus souvent dans les feuilles et elles sont glissantes ces feuilles de hêtre j'ai coupé par les travers
plus je monte et plus la mer grandit elle s'étend dans toutes les directions
surprise de terrien
un marin m'a rit au nez
disons-le le terrain est assez dévasté après la grosse pluie de Novembre, le sol est traître des embâcles hérissés barrent les petits ruisseaux j'imagine quel apocalypse cela fut pour les habitants à quatre pattes heureusement avec tous ces rochers les abris ne manquent pas
un bon moment passé sur un promontoire de magnifiques lichens
abyme fractal
et la vue dégagée juste barrée par ce roc du Midi que je souhaite atteindre drôle d'idée, je suis parti depuis quatre heures et ne fais que tourner autour il y a de la dé-raison
je vais créer un club des marcheurs aléatoires
il n'y a pas beaucoup de neige pour une fin Décembre, là-bas derrière le Madres j'aperçois le toit du Capcir c'est blanc
enfin les éboulis cette veste me gêne la paroi est impressionnante j'ai un peu de mal à progresser il faut se changer en singe en plus il a des oiseaux nicheurs je décide de ne pas les déranger
j'avise une grotte où je me cale et je suis surpris on entend tout je suis dans le tympan du roc et j'ai l'impression d'être au bord d'une avenue dans une petite ville là j'avoue j'ai un coup de blues j'ai l'impression d'être dans la pièce d'à côté il suffit de changer de chaîne je me demande si les animaux perçoivent le même brouhaha
je vais redescendre et puis je me tromperai de chemin
drôle de temps il fait trop doux
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simiot ?
chassés par les archers du roi sur les hauteurs de Laroque près de la source qui porte aujourd'hui leur nom les derniers simiots furent abattus et nul n'en a jamais revu
ils venaient dit la légende du Vallespir voisin où ils avaient pris la facheuse habitude d'enlever des enfants pour les dévorer, rien de moins, mais ils en furent chassés par la puissance de saintes reliques exfiltrées du Moyen-Orient
j'ai cru pendant longtemps qu'il s'agissait d'esprits vaporeux post cargolade ou de créatures engendrées par nos propres cloaques, des affabulations d'après gargouille voire du pendant local des korrigans et autres poulpiquets mais les chroniques médiévales les décrivent comme des animaux des têtes de singes cynocéphales des babouins en somme qui se seraient acclimatés dans ce coin des Pyrénées catalanes, allez savoir...
mais si de simiots nous n'avons plus, les têtes grimaçantes pullulent ici comme ailleurs en ces temps d'incertitude, d'ailleurs voici mon monstre du mois, rencontré dans le secteur de Villelongue Dels Monts il y a quelques jours... chat sylvestre ? Sylvain ?
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rainy monday
il y avait ces quatre chênes morts depuis belle lurette déracinés par les pluies prédentes ils attendaient couchés
une bonne journée de travail mais le terrain était difficile et je procrastinais
voilà qu'ils ont disparu et le terrain avec emportés par un coup de griffe majuscule qui laisse l'argile à nu une tranchée de dix mètres jusqu'à la rivière qui gronde en bas
il faudra trouver d'autres chemins remonter les murets
façonner cette terre lui donner sens et direction
ces pluies déraisonnables poursuivent un but précis
reboucher combler niveller
tendre vers la ligne, épurée
un monde plat et sans saveur
lavé nettoyé vraiment cette nature m'étonne